Entrée en Carême : homélie du père Pierre Mouton

Homélie prononcée à Ste-Madeleine, mercredi 14 février 2018, par le Père Pierre Mouton

Père Pierre, prêtre

Homélie pour le Mercredi des Cendres 2018

 

Nous commençons aujourd’hui le temps du Carême. Aussi posons-nous honnêtement la question : comment allons-nous le vivre cette année ? Comme les années précédentes, de façon rituelle ou formaliste ? Ou bien avec de belles résolutions qui ne tiendront pas les 40 jours de cet entraînement au combat spirituel ? Ou encore en nous rendant compte à la fin du Carême que nous n’y sommes pas vraiment entrés, incapables de nous défaire des soucis ou du rythme du quotidien qui nous accaparent ? Alors comment allons vivre ce carême ?

Le fait que, cette année, le Mercredi des Cendres coïncide avec la Saint-Valentin, fête de tous les amoureux, peut être vu comme un joli clin d’œil de la Providence divine pour nous inviter à vivre amoureusement ce carême. Comment ? Avec « un cœur brûlant pour des vies nouvelles », c’est-à-dire pour faire de ce carême un temps privilégié pour mettre en œuvre, personnellement mais aussi communautairement, la vision paroissiale que nous voulons développer ici à Hyères.

Et cela va tout à fait dans le sens du message de Carême du Pape François pour cette année :

J’invite tout particulièrement les membres de l’Eglise à entreprendre avec zèle ce chemin du carême, soutenus par l’aumône, le jeûne et la prière. S’il nous semble parfois que la charité s’éteint dans de nombreux cœurs, cela ne peut arriver dans le cœur de Dieu ! Il nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer.

Au cours de la nuit de Pâques, nous vivrons à nouveau le rite suggestif du cierge pascal : irradiant du « feu nouveau », la lumière chassera peu à peu les ténèbres et illuminera l’assemblée liturgique. « Que la lumière du Christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe les ténèbres de notre cœur et de notre esprit », afin que tous nous puissions revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : écouter la parole du Seigneur et nous nourrir du Pain eucharistique permettra à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité.

Oui, le Carême est ce temps privilégié où Dieu « nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer, en permettant à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité ». Notre vie tout entière ne pourra être vraiment renouvelée que si le plus intime de notre personne – ce que la Bible nomme le « cœur » – redevient chrétiennement brûlant, c’est-à-dire « brûlant de foi, d’espérance et de charité ».

Et la prière, l’aumône et le jeûne peuvent y contribuer puissamment. Voilà pourquoi l’Eglise nous les présente toujours comme les 3 piliers du Carême.

La prière

Ecoutons sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui nous dit :

« Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ». (Ms C, 25rv).

« (…) Pour désigner le lieu d’où jaillit la prière, les Écritures parlent parfois de l’âme ou de l’esprit, le plus souvent du cœur. C’est le cœur qui prie. S’il est loin de Dieu, l’expression de la prière est vaine » (CEC 2562).

« Le cœur est la demeure où je suis, où j’habite (selon l’expression sémitique ou biblique : où je  » descends « ). Il est notre centre caché, insaisissable par notre raison et par autrui ; seul l’Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître. Il est le lieu de la décision, au plus profond de nos tendances psychiques. Il est le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort. Il est le lieu de la rencontre, puisque à l’image de Dieu, nous vivons en relation : il est le lieu de l’Alliance » (CEC 2563).

L’aumône

Elle est à la fois une pratique de justice qui plaît à Dieu et un témoignage de charité fraternelle. Ecoutons le pape François nous en parler dans son message de Carême :

La pratique de l’aumône libère de l’avidité et aide à découvrir que l’autre est mon frère : ce que je possède n’est jamais seulement mien. Comme je voudrais que l’aumône puisse devenir pour tous un style de vie authentique ! Comme je voudrais que nous suivions comme chrétiens l’exemple des Apôtres, et reconnaissions dans la possibilité du partage de nos biens avec les autres un témoignage concret de la communion que nous vivons dans l’Eglise (…). Comme j’aimerais que, dans nos relations quotidiennes aussi, devant tout frère qui nous demande une aide, nous découvrions qu’il y a là un appel de la Providence divine : chaque aumône est une occasion pour collaborer avec la Providence de Dieu envers ses enfants ; s’il se sert de moi aujourd’hui pour venir en aide à un frère, comment demain ne pourvoirait-il pas également à mes nécessités, lui qui ne se laisse pas vaincre en générosité ?

Le jeûne

Le jeûne est indissociable de la prière et de l’aumône. « Le jeûne chrétien doit être un acte libérateur » (Benoît XVI). Dans une attitude de foi et d’humilité, il ouvre le cœur au prochain et à l’amour de Dieu. Dans la Bible, le jeûne est souvent accompagné de prières suppliantes, comme par exemple celle de David devant son fils malade. Le jeûne crée en nous une faim de la Parole de Dieu. Il a pour but de nous faire manger la vraie nourriture qui est l’écoute de la Parole autant que l’Eucharistie.

Dans son message de Carême 2009, Benoît XVI écrivait que « le jeûne nous est offert comme un moyen pour renouer notre amitié avec le Seigneur », une amitié qui ne peut passer que par la prière et la méditation de la Parole. Le jeûne est enfin un appel de tout chrétien à « ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui l’a aimé et s’est donné pour lui, et aussi à vivre pour ses frères » (Paul VI).

Appuyés sur ces 3 piliers, « revenons de tout notre cœur au Seigneur » qui nous offre, en ce carême 2018, « de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer, en permettant à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité ». Je vous souhaite un bon Carême ! Amen.