Décontenancés. « Seigneur, sauve-nous ! Nous sommes perdus » (Mt 8,25).

Décontenancés. « Seigneur, sauve-nous ! Nous sommes perdus » (Mt 8,25). Le cri des disciples dans la tempête rejoint le cri que nous poussons vers Dieu. Plusieurs personnes me disent leur colère et leur désarroi, devant tout ce qui sort dans les média ces dernières semaines. A la fin du dernier film de François Ozon, Grâce à Dieu, j’étais ému aux larmes : pourquoi tant d’horreurs commises par des prêtres ? Pourquoi cette lenteur à reconnaître la profondeur du mal et à le dénoncer ? Quel désastre pour les enfants abusés et leurs familles… Quel désastre pour l’Eglise et sa mission de sainteté… Quel scandale et quelle honte pour nous, ministres du Seigneur, nos communautés, nos proches et nos concitoyens… Surgissent en moi ces mots de Jésus : « Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi. Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer. Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’arrivent les scandales ; cependant, malheureux celui par qui le scandale arrive ! » (Mt 18,5-7).

Lucidité. C’est avec courage et lucidité que nous devons affronter ce « grand déballage ». L’Eglise est entrée, c’est clair, dans un temps de purification – et le carême qui s’ouvre est bienvenu. Ce sera un chemin absolument nécessaire de purification, de conversion, de vérité et de justice, pour les victimes, pour la protection des plus fragiles, et pour la crédibilité du message de vie que l’Eglise doit annoncer. Le sommet romain sur la protection des mineurs s’est achevé dimanche 24 février par un long discours qui donne les pistes du changement. Le pape resitue ce qui s’est passé dans l’Eglise parmi toutes les dérives du monde atteignant les enfants et les personnes fragiles, dans les familles et les institutions : « Nous sommes devant un problème universel et transversal qui, malheureusement, existe presque partout. Nous devons être clairs : l’universalité de ce fléau, alors que se confirme son ampleur dans nos sociétés, n’atténue pas sa monstruosité à l’intérieur de l’Église ». Et le pape d’appeler à la sainteté des ministres et des membres de l’Eglise.

Offrande. Je viens de passer quelques jours en Algérie. J’ai pu prier à Alger et Tibhérine sur plusieurs tombes de moines et de religieuses martyrisés dans les années 90 et béatifiés le 8 décembre dernier à Oran. Leur témoignage est bouleversant. Quand les violences se précisaient et qu’on leur proposait de partir pour se mettre en sécurité, ils répondaient invariablement : « De toutes façons nos vies sont déjà données » (Bse Sœur Paul-Hélène, assassinée le 8 mai 1994). « Personne ne peut nous prendre la vie parce que nous l’avons déjà donnée » (Bse Sœur Esther, tuée le 23 octobre 1994 sur le chemin de la messe). La sainteté et le dépassement de soi sont le seul chemin pour sortir des ténèbres. « Le meilleur résultat et la plus efficace résolution que nous puissions offrir aux victimes, au peuple de la Sainte Mère Église et au monde entier, c’est l’engagement à une conversion personnelle et collective, l’humilité d’apprendre, d’écouter, d’assister et de protéger les plus vulnérables » (Pape François). Une âme qui s’élève, élève le monde, dit-on. Elevons notre cœur, et tournons-le vers le Seigneur. C’est le travail sur soi que chacun peut déjà entreprendre : se remettre en question et désirer une vie que Jésus aime et conduit.